Théâtre du présent au miroir du passé

S’il est un artiste qui a de la suite dans les idées, c’est bien lui. Depuis qu’il ya quelques années il a commencé, avec le Centre des arts dramatiques et scéniques du Kef, à s’intéresser à la problématique de la théâtralisation de ce que nous a légué la tradition orale et musicale, Lassaad Ben Abdallah n’a cessé d’affiner sa recherche dans ce domaine passant ainsi des ‘‘Mensiet » (Les Oubliées) à »El Mensia’‘ (L’Oubliée, août 2014), à »El-Zaglama’‘.
»El-Zaglama », tel est le titre de sa dernière création. Le point de départ de ce spectacle qui scénise chant, danse et lumière, et que les journalistes ont eu l’occasion de découvrir en avant-première le vendredi 15 mai 2015, au ciné-théâtre le Rio (Tunis), est une chanson d’El Mensia, «Hmama Taret» (un pigeon s’est envolé), interprétée par Rochdi Belgasmi.
Pourquoi ce titre? Dans le jargon des marginaux dit «guejmi», la «zaglama» désigne la «tabla», cet instrument de percussion fréquemment utilisé dans les fêtes populaires et symbole de virilité. Ici, elle sert de base à l’élaboration d’un spectacle qui relate la condition des laissés pour compte.
Pendant 1h15 mn, le public aura se délecter de la construction d’une histoire dont la teneur lui est suggérée par les paroles, les gestes, les mouvements, les costumes, la musique et la chorégraphie. Des chansons puisées dans le réservoir de la mémoire collective et réunies ici pour la première fois lui feront découvrir la relation à l’Autre en tant que soldat, en tant que colon protecteur mais aussi entant qu’objet de désir. Ce retour au passé n’a cependant rien de nostalgique; il s’inscrit plutôt dans une contemporanéité qui refuse de soumettre le patrimoine à une vision folklorique et surannée.
Les voix des marginaux qui émanent des montagnes, des prisons et des lieux d’exil nous renvoient l’image d’une Tunisie à la fois ancestrale et actuelle. Dix chants et quinze performances seront là pour nous en donner la preuve.
Trois personnages typiquement populaires auront pour tâche de rendre vivant ce passé-présent. Ils s’appellent El-Hayeb (le branleur), El-Zaglem (le percussionniste) et El-Nabbar (le commentateur). Ils sont respectivement interprétés par »El Zaglama », spectacle mis en cohérence par Lassaad Ben Abdallah et produit par Habib Belhédi.

Hamdi Hmaidi
16-05-2015