La troisième édition de «eh bien, dansez maintenant !» a présenté un spectacle de deux danseurs talentueux. Le chorégraphe tunisien Rochdi Belgasmi a gratifié le public de son solo Transe, corps hanté, un mélange d’angoisse et d’amour. La sénégalaise Fatou Cissé a fait valoir la singularité des femmes. Le danseur tunisien Rochdi Belgasmi atterrit enfin à Dakar après ses multiples voyages à travers le monde. Son spectacle bref, car contraint par un retour chronométré, a été intense mercredi à l’Institut français. Sur une scène nue, couverte de tapis de danse blanc, le danseur-chorégraphe a présenté son solo Transe, corps hanté, sa dernière création datée de 2011. Il avance vers le public. Habillé d’un polo et d’un pantalon jogging avec ses chaussures, il détache ses bras de son corps. Se tourne sur lui-même. Son corps adopte le rythme distillé. Sur une lumière tamisée, accompagné par cette musique traditionnelle tunisienne de Houria Aichi avec ces multiples voix féminines, l’homme joyeux affiche par moments un sourire. Il se trémousse, danse autour des reins. La joie, le chagrin, l’angoisse, la peur, la solitude…, sont perceptibles sur tout ce corps qui accélère le rythme des vibrations pour traduire ses sensations. Sur ces gestes une lecture se dégage. Rochdi Belgasmi mime les gestes des femmes qui tamisent le mil, puisent ou s’activent à d’autres tâches. Ce premier tableau plein de joies et d’amours contraste avec le second. Ici, le corps est mélancolique. Il s’est débarrassé de ses habits. Ce corps taillé, musclé, se traine par terre. C’est une perpétuelle violence à la station debout. L’homme mène un combat avec la nature, avec ses cris d’oiseaux, et ces bruits de vagues. Son corps s’essouffle, les cris et les claquements de mains flagellent cette chair habitée qui transpire. Ces voix d’hommes et de femmes habitent l’homme qui se débat pour s’en sortir… Le danseur tunisien, Rochdi Belgasmi était à la hauteur de l’attente du public vu le standing ovation qui lui a été servi à la fin de sa prestation. Et c’est un honneur pour Belgasmi que parmi les spectateurs, le chorégraphe Micheal Kelemenis qui dirige la maison pour la danse à Marseille – qui est entrain de préparer un nouveau spectacle avec les danseurs de l’Ecole de sable – lui ait dit «bravo et bienvenue à la compagnie Kelemenis». La pièce Transe, corps hanté, peut-être lue de diverses manières, mais sera intimement liée à l’actualité du pays du chorégraphe. Elle traduit l’angoisse d’un peuple, d’une jeunesse qui dépasse les frontières de la Tunisie et s’étend sur toute l’Afrique. Elle a fait plus que 45 pays dans le monde, plusieurs grands festivals et des prestigieux théâtres sur les 4 continents.
L’audace des femmes
Mais avant le danseur chorégraphe tunisien, la Sénégalaise Fatou Cissé avait INVESTI la scène de l’Institut. Avec la pièce Ce que nous sommes, elle et trois autres danseuses, montrent leur singularité, leur beauté et surtout se font valoir à travers la danse lors d’un Tanebeer, une pratique ancestrale réservée aux femmes. Elles se changent sur scène, se font remarquer par leurs paillettes, désirer et font valoir leurs audaces. Cette scène d’intégration avec Rochdi Belgasmi et Fatou Cissé, un échange fructueux entre Africains, a marqué cette troisième édition de «eh bien, dansez maintenant !». TROIS QUESTION A… ROCHDI BELGASMI, DANSEUR-CHOREGRAPHE «La révolution a un effet libérateur sur mon travail» Wal Fadjri : En quoi votre pièce a un rapport avec la révolution tunisienne ? Rochdi BELGASMI : je suis prêt aujourd’hui grâce à la révolution à parler de tout : De sexualité, de nudité, de religion, etc. J’aime travailler sur le caché, le voilé, le montrer, le mettre en valeur. J’aime provoquer. La révolution a un effet libérateur sur mon travail chorégraphique. Etre danseur dans une société arabo-musulmane comme la vôtre n’est pas facile… L’idée n’a rien avoir avec l’Islam. D’ailleurs l’Islam en Tunisie, ce n’est pas l’Islam de l’Arabie saoudite, le problème est devenu culturel. On a marre de ces clichés de corps tabou, etc., et mon Islam à moi dit que la danse est une expression très noble. Je suis contre l’idée de cacher nos corps, corps,… Pourquoi avoir attendu tout ce temps avant de venir présenter votre pièce à Dakar ? C’est la première fois que je visite Dakar, je n’ai pas eu l’occasion avant d’y jouer, pourtant je connais presque tous les chorégraphes et les programmateurs du Sénégal. Et je pense que Dakar est une station importante pour ma carrière de danseur chorégraphe parce qu’on connaît tous l’importance de Dakar sur le continent. Je connais très bien Germaine Acogny, d’ailleurs on est programmé ensemble pendant les plateformes «Dans l’Afrique danse» à Tunis qui commence aujourd’hui jusqu’à dimanche. Mais certainement, il y aura un jour des collaborations avec elle puisque j’ai collaboré avec la grande chorégraphe du Burkina Irène Tansambdou.