Ouled Jellaba débarque à Hammamet

La danse est sans doute le domaine artistique qui véhicule le plus de fantasmes et d’idées reçues, au point qu’il est parfois difficile d’avoir une vision claire de ses réalités. Lauréat 2016″ du Prix Olfa Rambourg pour l’Art et la Culture, le danseur-chorégraphe tunisien Rochdi Belgasmi revient avec une nouvelle création « Ouled Jellaba » qui a été présentée dimanche à Dar Sebastian lors du volet acte now de la 52ème festival international d’Hammamet. Danseur chorégraphe de renommée internationale, Rochdi Belgasmi est une figure de danse contemporaine tunisienne. De plus, il est professeur de danse-théâtre à l’Institut Supérieur d‘art Dramatique à Tunis (ISAD) et membre du Conseil international de la Danse (CID) Accueilli à son arrivée sur scène avec un tonnerre d’applaudissements, le danseur qui incarne une heure durant le personnage d’Ouled Jellaba, ce serveur sexué des années vingt né à Kerkennah et mort à Djerba et qui a sillonné les quartiers tunisois le soir dansant dans les cafés chantants de la capitale. Rochdi a ébloui l’assistance, donnant le ton à une soirée pas comme les autres où tous les ingrédients étaient réunis. En effet, le choix d’incarner ce personnage plus féminin que masculin, aux mouvements lascifs et propres aux danses des tunisiennes n’est pas hasardeux. C’est une époque où la présence de la femme dans l’espace public pour de telles activités n’était pas tolérée. « Je me concentre sur la femme parce que j’ai été élevé dans un environnement très féminin et je suis très fier de tout ce que j’ai appris de ces femmes qui m’ont marqué toute ma vie » dit-il .En interprétant le rôle de ce travesti tunisien, Rochdi titille certains tabous de la société mais réalise aussi un vibrant hommage au feu danseur. L’assistance s’est plongée dans l’intimité du personnage. Inspiré des icones de la danse folklorique allant de Aicha et Mamia, Zina et Aziza, Hamadi Laghbebi, Khira Oubeidallah et Larbi Charkaoui , Rochdi a dansé ce soir le fezzani, l’allagui, le souqui, le jerbi et autres rythmes populaires de différentes régions. C’est un travesti qui peint la vie en dansant et en interrogeant à partir de cet héritage symbolique, la gestuelle frappante que l’on retrouvait dans l’ «Ouled Jelaba»Dans les tableaux du jeune chorégraphe, la musique côtoie la danse des années 1920, laissant ainsi le danseur exprimer librement son art dans différents registres. La chorégraphie, entrecoupée de démonstrations, de mouvements neutres et de fresques tendres, dévoile le corps du danseur qui devient vecteur de communication. C’est donc devant un public enthousiaste que Rochdi a donné une performance éblouissante d’énergie, de maîtrise et de poésie avec un jeu de scène très communicatif et des tableaux conçus pour interagir avec le public.

Kamel Bouaouina
10-08-2016