Le danseur et chorégraphe tunisien s’est distingué ces derniers mois lors d’une tournée euro- péenne qui l’a mené en France et en Belgique. Egalement présent au Canada, Belgasmi a rem- porté un succès appréciable et se prépare pour de nouvelles aventures scéniques.
L’image de Rochdi Belgasmi est-elle sulfureuse? Cet artiste porte-t-il un projet véritable ou se contente-t-il de répandre un sillage polémique? Ces questions méritent d’être posées car ce danseur qui a défrayé une chronique paresseuse et bigote, est en train de s’armer comme une valeur sûre et une grosse pointure de la danse tunisienne à l’international. Une vaste tournée et une reconnaissance méritée En eet, Belgasmi rencontre le succès sur toutes les scènes sur lesquelles il se produit en Eu- rope et ailleurs. Ces derniers mois lui ont permis de participer à plusieurs festivals et d’y en- granger une reconnaissance précieuse. A Montréal, il participait aux Nuits de Carthage, un festival auquel il était convié et qui lui a réservé une mémorable ovation. A Poitiers, il vient de se produire dans le cadre du festival « A corps » et encore une fois, son travail a bénécié d’une large reconnaissance. Ce fut également le cas à Paris lorsque Belgasmi fut sélectionné au Prin- temps de la danse arabe ou encore à Vrverij en Belgique où il se trouvait récemment. Tous ces succès ont pour origine et matrice son opus « Zoufri » dans lequel il revisite certaines danses populaires tunisiennes et restitue un univers canaille auquel le public tunisien sacrie volon- tiers. Cette mise en spectacle du « rboukh » a permis à Belgasmi de faire connaître un aspect de la culture populaire tunisienne, tel qu’il l’avait relu. S’emparant de cet univers, l’artiste tuni- sien l’a chorégraphié, mis en mouvement et placé dans une logique scénique. En cela, il n’in- novait pas véritablement car depuis des décennies, les spectacles de la série « Nouba » avaient revisité ce aspect précis du patrimoine. Toutefois, Belgasmi introduisait une dimension in- édite car sa démarche ne cherchait pas seulement à consommer en tant que spectacle une tra- dition festive très ancrée dans les familles. Lui cherchait ailleurs, dans la dynamique des corps, leur lascivité et leurs tensions charnelles.
De fait, érotiser en tant que spectacle ce qui l’est déjà dans la réalité a valu à Rochdi Belgasmi les foudres de la convention qui entretient depuis toujours un contentieux avec la danse sous https://www.pressreader.com/tunisia/le-temps-tunisia/20190516/281805695380823 1/2 06/11/2020 L’élan international de Rochdi Belgasmi tous ses aspects. Montré du doigt, alors qu’il ne faisait que sublimer un art en reprenant ses poncifs, Belgasmi a résisté à ces assauts pudibonds et mené son attelage à destination. Cela lui vaut aujourd’hui une reconnaissance non usurpée et le place dans une belle courbe ascen- dante. Ses détracteurs lui auront au nal rendu un eé service puisque leurs cris d’orfraie ont attiré sur lui les regards de la presse internationale y compris ceux, rigoureux, du « Monde » ou de « National Geographic ». Beau parcours que celui de Belgasmi qui exerce son art depuis une décennie et irte désormais avec les lumières de la rampe.
Une véritable philosophie du corps
Destinée exemplaire également pour ce danseur et chorégraphe qui ne fait rien au hasard mais opère des choix profondément rééchis et théorisés. car la danse moderne n’est pas un simple show pour les yeux. Au contraire, cet art est bien plus que cela et constitue l’une des expres- sions contemporaines les plus dynamiques car celles et ceux qui la portent répondent à une véritable philosophie du corps. A la manière d’un anthropologue, Belgasmi a débusqué des es- paces transgressifs, interpellé sa propre société et ses refoulements. Corps libéré, celui du danseur pose en eet de nombreuses questions qui restent ignorées. Belgasmi a le mérite de remettre ces problématiques sur le tapis. Mieux, au lendemain de Tunis capitale de la danse et à la veille de la deuxième édition des Journées chorégraphiques de Carthage, il nous ouvre les yeux aussi bien sur le potentiel dont dispose la danse tunisienne que sur les carcans d’un autre âge qui continuent à peser sur cet art en constante évolution. N’est-ce pas là la fonction de l’artiste véritable qui, sans être prophète dans son pays, n’en pose pas moins les vraies questions?