«Zaglama» est le troisième spectacle sur le patrimoine rural, de Lassaâd Ben Abdallah, qui vient d’effectuer une tournée en Tunisie.
La première de «Zaglama» a eu lieu au mois de mai avec une cinquantaine d’artistes sur scène. Cette fois, il s’agit d’un petit format du spectacle, une version où l’équipe est réduite avec Rochdy Belgasmi à la danse au mouvement et au geste et Cheb Bechir à la percussion et au chant : «Nous avons intitulé ça une étude puisque ce n’est pas le grand format du début avec cinquante-cinq personnes, dit Lassaâd Ben Abdallah, il s’agit de réfléchir aux questions : quelle image pouvons-nous donner à notre patrimoine oral et à notre danse? Ce patrimoine est confronté à d’autres danses, à d’autres sonorités et nous essayons de donner cette image sans le recours avec deux personnages uniquement. Nous avons donc fait ce travail sur un corpus bien précis; ce n’est pas le patrimoine oral du Nord -Ouest et sur la frontière algérienne, mais c’est beaucoup plus sur une mémoire relativement courte où nous parlons de l’autre et de sa présence en Tunisie , l’autre en tant qu’algérien, marocain, français, allemand ou italien». Ce spectacle destiné à toucher plutôt des nationalités que des régions, des nationalités de «colonisateurs» de «guerrier» ou «ami». Dans tout ce contexte, Lassaâd Ben Abdallah a travaillé sur une douzaine de chansons de la danse et du mouvement. Une heure et quart de pur spectacle qui rend hommage à notre patrimoine de manière astucieuse et attachante. Après deux cycles de représentations au Rio et trois représentation au mois de Ramadan, le spectacle est parti en tournée sur toute la Tunisie avec sept représentations de Tamerza jusqu’à Bousalem en passant par le Sahel sur différentes scènes dans la rue ou dans des théâtres de plein air . « Sept représentations, c’est bien mais c’est peu, a ajouté Lassaâd Ben Abdallah, c’est bien parce que c’était un effort personnel. Nous n’étions pas subventionnés en amont, d’accord c’était un choix personnel mais après nous avons présenté des dossiers pour être subventionnés sur les représentations et c’est tout à fait normal. Mais nous n’avons rien eu. Ce qui m’étonne le plus à part les subventions du ministère de la Culture, c’est le fait que les grands festivals ne sont pas venus voir ce spectacle pour le sélectionner». C’est aussi l’une de ces motivations qui ont poussé le metteur en scène à entreprendre cette tournée qui a englobé aussi Layali Safsaf ou dans un festival éclaté sur quelques hôtels à Djerba. Cette tournée a permis aussi à Lassaâd Ben Abdallah de faire un constat socio-politique : «Nous sommes à Tunis, on entend les résultats des élections et on entend parler d’un pays en proie à un terrible clivage, dit-il, mais en fin de compte la réalité à l’intérieur du pays me semble différente. Finalement et en prenant les choses avec relativité, il n’y a pas ces clivages dont on parle et même si le spectacle était parfois provocateur , nous étions en osmose avec le public. C’est carrément très relatif cette histoire de pays divisé». Dans ce bilan de la tournée, Lassaâd Ben Abdallah n’hésite pas à dire ce qu’il pense de la culture. «Le ministère de la Culture fonctionne comme dans les années soixante à l’époque de Chedly Klibi, dit-il, c’était un grand bonhomme, sa politique était géniale à cette époque. Aujourd’hui, nous vivons une autre époque. C’est un modèle qui a été amélioré par des décrets et des lois, mais il est resté le modèle Chedly Klibi. Les jeunes ont aujourd’hui une autre manière de voir l’art et la culture. Sommes-nous vraiment au diapason. C’est là où j’invite la première responsable du ministère de la Culture à réfléchir sur le devenir de la culture. Comment va être par exemple le ministère de la Culture dans la gouvernance locale? Quelle sera son image dans ce programme? Pourquoi ne nous fixons pas d’objectifs culturels à ces responsables qu’on vient de nommer à travers les gouvernorats? Le problème, c’est qu’il n’y a pas de vision claire dans tout ça! La politique des subventions a toujours été à la tête du client et ça se poursuit encore. C’est peut-être pire qu’avant ! Ces subventions semblent ne pas avoir des paramètres clairs. La solution, ce n’est plus d’attendre des dossiers qui arrivent mais faire des choix de genres à encourager et demander des projets dans ce sens. Ça peut être des choix par exemple pour encourager le film comique, le documentaire ou le théâtre de rue, qu’importe ! Mais il faut effectuer des choix et faire une politique d’accompagnement surtout pour les jeunes. A-t-on idée que la première pièce de théâtre d’un jeune ne soit pas subventionnée? Il faut faire des contrats programmes et engager des gens sur des projets».
Le bilan d’une tournée en Tunisie
Salem TRABELSI
29-08-2015