Danse : Quand le Coeur Flotte en Orbite

Demain, nous continuerons à être ces gens ordinaires qui vivent des choses pas tout à fait ordinaires… Une phrase inachevée que je me disais en arrêtant ma voiture devant le lieu qui hébergeait la résidence artistique de mon ami Rochdi. Une phrase qui avait pris de la maturation un peu plus tard. A la fin du spectacle, ce n’était plus une simple phrase, mais un élan d’inspiration qui me berçait sur le chemin du retour. Mais avant de vous structurer la phrase complète, laissez-moi vous emporter à nouveau avec moi, dans ce qui allait être une expérience des plus belles augures.
J’étais installé à l’intérieur d’une salle où lumière, musique, artiste et métier à tisser occupaient mon champ de vision. Au coup de départ du spectacle, je m’étais intentionnellement concentré, sur l’expérience du danseur qui travaillait son tissage et bougeait son corps lentement dans le domaine, plutôt que sur l’expérience d’un spectateur assis ou d’un appréciateur de spectacle qui regardait aléatoirement la scène. Dans mon cœur, j’ai la conviction profonde que le temps et l’espace ne seraient que des abstractions tant qu’ils ne seraient pas intégrés à une expérience vivante qui leur donnerait du sens. Ainsi, devant moi, la conscience du temps et de l’espace de l’artiste naissait avec cette dualité corps et esprit qui bougeaient comme une seule entité, L’artiste faisan un avec son métier, et ramenant le monde extérieur à lui-même à chaque filament de corde.
Certains danseurs, avais-je pensé en regardant Rochdi dans son œuvre, en particulier sur scène, s’entraînaient et s’appuyaient sur la musique comme attelage du processus. Mais malgré la musique, je sentais que sa gestuelle, mais encore sa respiration, son regard et ses intentions se répercutaient dans la pièce plus fort que la musique qui retentissait en arrière-plan. Une sorte de mini spectacle imbriqué qui était entrain d’être joué, avais-je pensé pendant un bref instant, avant de poursuivre mon voyage fantastique.
Un voyage qui prit un détour inattendu pour moi, lorsque le tisserand envisagea de faire courber son tissage, et d’y implanter en se penchant en avant, son regard et sa tête.
Encore un détour plus important lorsque celui-ci déposa ses outils métalliques de tissage enchevêtrés entre les cordes. Waw ! Me voilà au cœur d’une belle démo en intrication quantique. Mon cœur palpita d’excitation. J’étais emporté par l’observation, tandis que mon esprit se demandait : À ce stade quel était le plus important ? Quel était l’élément de l’œuvre à être immortaliser en ce moment même ? Était-ce le tissu, Était-ce l’artiste ? Et si c’étaient les deux, lequel viendrait en premier ? Emporté par ce flux magnifique de sensations et réflexion, ma stupeur allait bientôt toucher à sa fin, quand Rochdi se leva, amplifia l’amplitude de ses gestes, et occupa graduellement plus d’espace qu’il ne le faisait jusque là.
Ma soif touchait aussi presque à sa fin à cet instant du spectacle. J’allais enfin avoir plus de perspective sur ma phrase énoncée à mon arrivée sur les lieux.
Un morceau de réponse allait jaillir, en observant les mouvements de danse en orbite de Rochdi qui gravitait autour de son métier de tissage. Deux objets intriqués ne sont pas indépendants même séparés par une grande distance. Merci mon ami pour ces belles enjambées de dopamine qui accompagnaient tes pas et ces fabuleuses balades intellectuelles que m’offraient tes foulées dynamiques. Des mouvements qui exprimaient eu même instant l’espace et le temps : l’espace dans l’amplitude du mouvement et le temps dans la transition d’un point à un autre de cette amplitude. À ce stade, les deux concepts, liés l’un à l’autre, ne tardaient pas à se tordre lorsque l’artiste enfile une toile blanche tendue au dessus de sa tête, pour en faire une expression courbée, qui enfile les cercles emportés à vive allure par le rythme de la musique… Cette image m’évoquait encore une fois l’analogie de la courbure de l’espace-temps par la matière, dite la relativité générale d’Einstein.
Celle toile au mouvement élastique où les plis en rébellion ne suivaient pas une ligne droite, mais sont déviées par la courbure de la crête au centre était un parfait exemple d’une réalité qui émerge dans son blanc flamboyant. C’est ainsi qu’on danse en conscience me murmurais-je. Cette connexion à d’autres dimensions visibles et invisibles, à celle de grands êtres de lumière ainsi qu’aux esprits de la nature. Une cérémonie dansée ensemble par delà l’espace et le temps. Chaque geste ainsi exprimé en synergie, catalyse une énergie, un souhait, une direction issue du chant vibratoire de la source. Magnifique tout simplement !
Indépendamment du visage caché par le blanc du tissu, le rôle du maître en effet, à travers toutes les ères, est d’aider les disciples dans leur connexion avec leur âme. Une co-création qui ne peuvent réaliser que par eux-mêmes, tout en les préservant des expériences trop brutales pour leur conscience encore minuscule.
Spectateur étais-je de cette danse cosmologique qui représente un mouvement plus universel, celui des galaxies, des planètes, et des corps célestes.
Quoi dire pour décrire ce majestueux mouvement universel d’attraction pour le mettre en exergue. Quelle exaltation !
La musique changea de tempo et avec elle Rochdi fit pareil avec son énergie. Désormais, une accélération et une alternance de tempos contrastants faisaient leur apparition, tantôt comme un enfant enchaînant les sauts avec une maladresse innocente, et tantôt comme un adulte rebelle multipliant les rotations en horloge au sol. L’unité de la musique avec la danse était devenue abstraite à ce stade. De part mon intuition de coach, je ressentais bel et bien que cette danse commençait de l’intérieur. Il ne s’agissait pas d’apparence. Il n’y avait plus de bonne ou de mauvaise façon de bouger, plus de chorégraphie fantaisiste que tu devais suivre, tu te connectais simplement à ce que tu ressentais et tu commençais à bouger à partir de cet endroit afin que tu puisses t’accorder avec toi-même et te libérer.
Ce qui serait donné, lors de la vie ne serait jamais un produit fini. De même, j’étais dans une œuvre vivante et comme toute entité vivante digne de ce nom, Rochdi vint vers moi et me tendit cette boule de soie qu’il relia avec d’autres vers le métier à tisser. Une œuvre toute faite, achevée, mais, pour une part du moins, l’œuvre en train de se faire. Une autre spécificité de l’art de la performance venait se confirmer pour moi, c’est que les spectacles, sont non seulement exposés à leurs spectateurs, dans tous les sens du terme, mais aussi qu’elles sont tissées avec la contribution de ces derniers.
Dans ce tissage cosmique, toutes les dimensions, tous les plans, toutes les réalités, toutes les lignes de temps cohabitent et s’harmonisaient en un éternel présent. Bref, c’est le jardin de jeu de l’Intelligence Universelle. C’était aussi un ce beau paradoxe pour notre compréhension mentale humaine.
Toile du destin je me disais, mais avec un sens différent et revisité, un sens à donner au destin autre que celui porté par ce qu’on connaissait jusque là.
Notre multi dimensionnalité suivait les lignes de ce grand filage. Nous pouvions de notre conscience terrestre moduler les fils de la matrice qui nous avait été imparti, pour peu que nous soyons alignés avec la conscience de notre être profond.
Notre responsabilité fut maintenant, faire part de cette co-création artistique. Participer au renforcement de ces lignes entre nos mains. Que le plus beau et harmonieux potentiel évolutif dans notre sphère d’existence soit à la merci de notre volonté. Quelle responsabilité, que nous en soyons conscients ou non !
A un moment faudrait pouvoir oublier la scène solide qui marqua l’espace (imagineriez-vous à la place une scène noire invisible, où seul le danseur serait visible ?) ; il faudrait pouvoir aussi oublier le rythme de la musique qui marqua l’évènement(Entendriez-vous les notes d’un spectacle muet ?). Il faudrait presque oublier la lumière qui nous montre ce danseur dans son spectre visible. Oseriez-vous imaginer le danseur seul dans le vide, et en apesanteur suspendu à son élan artistique?
Et demain ?
Demain, nous continuerons à être ces gens ordinaires qui vivent des choses pas tout à fait ordinaires…
Et qui atteignent des résultats extraordinaires, me dis-je en reprenant la route.
https://coupdoeilducoach.medium.com/demain-nous-continuerons-%C3%A0-%C3%AAtre-ces-gens-ordinaires-qui-vivent-des-choses-pas-tout-%C3%A0-fait-f0a2df309f39

© Karim.Boulakbech : Coach, Speaker & Author of The EASY Booklet
10-04-2022