Au Bardo, une rencontre d’un autre temps

En dix minutes, Lella Manoubia ressuscite pour prendre la parole et mener la danse. Au mois d’août, le musée du Bardo a reçu la visite d’Essaida El Manoubia et de Belhassen Chedly. C’est pour un docufiction coréalisé par Emna Ben Miled et Samed Hajji que les deux saints soufis du XIIe siècle ont repris forme humaine. Campés par Lobna Mlika et Rochdi Belgasmi, les deux personnages sont revisités dans ce film de dix minutes avec un regard nouveau sur l’histoire de leur rencontre. «Pendant son passage en Tunisie, venu du Maroc, Belhassen Chedly a beaucoup influencé Essaïda El Manoubia (dont le film porte le nom)», nous explique Samed Hajji. Et d’ajouter: «Nous proposons notre interprétation de cette rencontre, sur un ton romantique». Des photos du tournage montrent le couple, au Bardo, partageant une danse. Le film a été entièrement tourné au musée. Derrière sa naissance, un projet de recherche mené par l’universitaire Emna Ben Miled sur le parcours d’Essaida El Manoubia. Le docufiction a ensuite émergé, produit par la fondation Rosa Luxembourg, co-écrit et coréalisé par la chercheure et le jeune réalisateur Samed Hajji. «Le film comporte une partie où le personnage de la sainte s’exprime sur sa vision de l’islam, et une partie où des islamologues contemporains exposent la leur», nous révèle ce dernier. Une avant-première pour ce court-métrage est prévue début novembre. Il sera également projeté lors de la prochaine édition des journées cinématographiques de Carthage (21-28 novembre), nous apprend encore Samed Hajji. Rappelons qu’ Essaida El Manoubia est une sainte née en 1180 à la Manouba et décédée en 1257 à Tunis. Elle fut la disciple de Belhassen Chedly qui l’a nommée à la tête de la confrérie Chadhiliya en Tunisie. Depuis son enfance, elle s’est distinguée par son mysticisme et son refus de l’ordre social et religieux établis à son époque. Elle a, en effet, choisi le célibat et s’est consacrée à la théologie et aux bonnes œuvres, ce qui lui a valu de nombreuses controverses mais aussi elle fut digne du statut de sainte de Tunis, un personnage alliant le savant et le populaire, reconnue par le Bey, les oulémas et les familles tunisoises. Après son décès, deux mausolées lui sont consacrés, l’un à La Manouba, sa ville natale, l’autre au quartier Essaida à Tunis. Elle est l’une des rares femmes à laquelle a été consacrée une hagiographie, résumant sa pensée et son œuvre.

Narjès TORCHANI
17-09-2015